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d’entrain, partie de volant où chacun avait allongé son coup de raquette, s’était fragmentée, émiettée, et rien de distinct ne s’entendait plus dans le bruit harmonieux de toutes ces voix, aux timbres aristocratiques, qui se mêlaient et babillaient comme les oiseaux, à l’aube, sur la lisière d’un bois… quand l’une d’elles, — une voix de tête, celle-là ! — impérieuse et presque impertinente, comme doit l’être une voix de duchesse, dit tout à coup, par-dessus toutes les autres, au comte de Ravila, ces paroles qui étaient sans doute la suite et la conclusion d’une conversation, à voix basse, entre eux deux, que personne de ces femmes, qui causaient, chacune avec sa voisine, n’avait entendue :

— Vous qui passez pour le Don Juan de ce temps-ci, vous devriez nous raconter l’histoire de la conquête qui a le plus flatté votre orgueil d’homme aimé et que vous jugez, à cette lueur du moment présent, le plus bel amour de votre vie ?…

Et la question, autant que la voix qui parlait, coupa nettement dans le bruit toutes ces conversations éparpillées et fit subitement le silence.

C’était la voix de la duchesse de ***. — Je ne lèverai pas son masque d’astérisques ; mais peut-être la reconnaîtrez-vous, quand je vous