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d’enfance et de collége ; ils devisaient sur la littérature, et Rodolphe qui, dans un état de marasme, était venu voir son ami avec l’espoir d’un allégement, s’appesantissait sur les mécomptes, l’amertume, les épines sans roses de la vie d’artiste.

Au contraire, il semblait que Max se fît un jeu d’ajouter à cette mélancolie.

« Les productions de ces rares élus que l’on compare justement aux arbres à fruits exceptées, disait-il, les œuvres d’art sont en général des filles de l’obstacle et, notamment, de la douleur. Et, par là je ne prétends pas que le bonheur stériliserait un homme de génie ; mais, dans ma conviction, nombre d’hommes supérieurs, pour ne pas dire la grande majorité, doivent d’être tels ou au mépris qu’on a fait d’eux, ou aux empêchements qu’on a semés sous leurs pas, en un mot, à des souffrances quelconques. »

Pour Rodolphe, qui, à l’instar de tant d’autres, ne voyait guère dans les arts qu’un moyen de satisfaire les appétits et les vanités qui tenaillaient sa chair et gonflaient son esprit, cette sorte de profession de foi était littéralement une ortie entre le cou et la cravate. D’un air piteux il regardait alternativement son chapeau et la porte, et se remuait à la façon d’un enfant tiraillé par la danse de Saint-Gui.

Les ressources de Max se bornaient présentement à une place de second violon dans l’orchestre d’un