Page:Barbara - L’Assassinat du Pont-Rouge, 1859.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Comment ! fit Destroy, quand on t’a vu, comme je t’ai vu pendant dix ans, vivre au jour la journée, changer d’hôtel tous les quinze jours, prendre racine dans les bals, te railler infatigablement de la vie bourgeoise, tu ne veux pas que je m’étonne de te trouver marié, père de famille, travaillant, économisant, vivant au coin de ton feu, ni plus ni moins qu’un notaire ou qu’un sous-préfet ?

— C’est précisément parce que j’ai vécu ainsi, dit Clément avec assez de raison, que tu ne devrais pas t’étonner de me voir vivre d’une autre manière.

— Crois au moins, s’empressa d’ajouter Max, que ma surprise n’a rien de désobligeant pour toi : elle éclate, au contraire, du plaisir que j’éprouve à te rencontrer tout autre. Certes, je t’aime mieux ici que dans cet horrible bouge de la rue Saint-Louis en l’Ile où je t’ai vu avec Rosalie l’avant-dernier automne, je crois. »

Le tressaillement qui agita les nerfs de Clément attesta que Max venait de lui rappeler un souvenir extrêmement pénible.

« A moins que tu n’en veuilles à notre repos, dit-il d’un air tout assombri, tu ne parleras jamais, surtout devant ma femme, de ce temps funeste… Tu me feras également plaisir en cessant de t’extasier à notre position nouvelle. Tu seras peut-être tout le premier à l’estimer bien modeste, quand je t’en aurai