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musique sera à tout jamais délivré des misères que les autres traînent après eux. »

Au moment où Mme Thillard et Destroy achevaient la sonate, le vieux Frédéric se trouvait là et se disposait à sortir. C’était un petit homme maigre, entièrement chauve, toujours frais rasé, plein de verdeur encore, sur le visage duquel brillait ce que l’on peut appeler la passion du sacrifice. Max l’avait toujours vu en cravate blanche, avec la même redingote bleu à petit collet et le même pantalon gris-souris. Il ne s’en alla pas qu’il n’eût donné un coup d’œil à toutes choses et n’eût pris humblement congé de la mère et de la fille. Destroy, que brûlait l’envie de le questionner, le suivit de près et le joignit bientôt, comme par hasard.

Le bonhomme avait pour Max une prédilection marquée ; il fut visiblement enchanté de la circonstance. Promenant sa manche sur une tabatière ronde en buis qu’il tira de sa poche, il respira une forte pincée de tabac, après en avoir offert à Destroy. Celui-ci, pour le faire jaser, usa d’ambages au moins inutiles. Frédéric, tout discret qu’il était, ne pouvait songer à taire les points essentiels d’une histoire que les journaux avaient colportée dans toute la France. D’un air navré, en termes amers, il en indiqua à grands traits les phases notables. Depuis nombre d’années déjà il était au service de M. Ducornet, quand Thillard, encore imberbe,