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Je le repousse avec mille blasphèmes. Demi-mort, je suis cahoté par les mouvements d’une charrette sur le pavé d’une ville ; j’entends les murmures de la multitude comparables à ceux des vagues de la mer, et, au-dessus, les imprécations de mille voix. J’arrive en vue de l’échafaud. J’en gravis les degrés. Je ne me réveille que juste à l’heure où le couteau glisse entre les rainures ; quand, toutefois, mon rêve ne continue pas, quand je ne suis pas traîné en présence de celui que j’ai voulu nier, de Dieu même, pour y avoir les yeux brûlés par la lumière, pour y plonger dans l’abîme de mes iniquités, pour y être supplicié par le sentiment de ma propre infamie. J’étouffe, la sueur m’inonde, l’horreur comble mon âme. Je ne sais plus combien de fois déjà j’ai subi ce supplice.

« J’ai recours à l’opium. Mes douleurs en combattent l’effet, et rien n’est plus atroce que cette lutte de la souffrance contre les fatigues du corps. Et il n’y a pas à prétendre que je puisse me soustraire à cela. Je ne puis pas mourir. Que deviendrait mon enfant ? Il me possède, je suis sa proie, sa bête de somme ; il tient ferme dans sa main les rênes du mors que j’ai à la bouche, et, par instants, il tire à me faire hurler. En d’autres termes, il me rive à la vie, il cloue mes membres sur cette terre, pour que le remords puisse à l’aise dévorer et redévorer mon cœur, mes entrailles.