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me sens pas de joie quand le terrible dieu de Claros prie Clio de chanter à son tour l’héroïne Clymène en une ballade à la manière de Marot :


Montez jusqu’à Marot, et point par-delà lui :
Même son tour suffit.


Il suffit en effet, et plût aux Dieux que nous pussions monter jusqu’à lui ! Au temps où La Fontaine créait ses enchantements, pour lesquels Louis XIV ne prêta pas les bosquets et les eaux jaillissantes de Versailles, les mots de fantaisie et de poëte fantaisiste n’étaient pas inventés.


Diversité, c’est ma devise,


se bornait à dire le magicien qui, non content d’avoir créé pour ses fables une langue lyrique plus sonore et plus diverse que le cours ondoyant des fleuves, ressuscitait le Rondeau, le Dizain, la Ballade amoureuse, volait Boccace à l’Italie pour en faire un poëte bien français, et transformait les récits du Décaméron en ces contes franchement gaulois où avaient tenu déjà l’Arioste, Rabelais et Les Cent Nouvelles Nouvelles. Ces contes, ornement et gloire de notre langue, a-t-on pu avec justice les condamner au nom de la morale ? Pour moi, mauvais juge en ces matières, il me semble qu’ils doivent être absous pour l’art de conter