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chez la reine des Immortels des yeux de génisse, cachant des divinités sous la chair des arbres plaintifs, et sur le bord des eaux mélodieuses uiiissant la femme et le cygne, ces deux chefs-d’œuvre de la grâce idéale. De celui qui tient la foudre au vermisseau le plus chétif, la chaîne se tient, pas un anneau n’est brisé. Après les peintres et les poètes de la Renaissance, La Fontaine, en son drame universel, affirme cet immense hyménée de toutes choses, et la Science moderne lui donne raison. Son rhythme, ce bronze inouï produit par la fusion et l’amalgame de tous les métaux poétiques, son rhythme, ce prétendu vers libre, résultat de calculs prodigieux, et où les esprits superficiels voient l’effet du hasard, est le portrait même de son univers, où toute molécule matérielle et divine est entraînée dans le même tourbillon dévie. Il est son, couleur, mouvement, rire et sanglot ; l’ode, l’épître, l’épopée, le conte, broyés et mêlés ensemble par une main de diamant, donnent une langue nouvelle, infinie, à la fois vraie, idéale et fugitive, qui est la comédie vivante et lyrique ; cette langue, la même ! c’est celle des Dieux assis sur les nuées et celle de la grenouille qui coasse au fond des marais ; l’hysope la peut parler comme le cèdre, et elle convient aussi à l’homme qui porte comme les forêts une cheve-