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au XVIe siècle, alors que dans la fièvre de leur œuvre les créateurs de l’art lyrique français subissaient les tâtonnements que suppose et implique toujours l’enfantement d’un monde ; mais aujourd’hui il n’est plus permis de pétrir des singes en croyant faire des hommes. On trouve dans le livre du grand Rabelais une pièce de vers dont la disposition typographique reproduit la forme d’une bouteille. Il en a été fait d’autres qui représentent une coupe où viennent boire des colombes. Enfin on verra par la citation suivante, que j’emprunte à l’Histoire du Sonnet de M. Charles Asselineau[1], jusqu’où a pu aller la folie enfantine de ces casse-tête chinois.


« C’est au xvie siècle, dans la fureur de la nouveauté, que furent imaginées ces complications baroques, auprès desquelles n’étaient plus rien les difficultés qui rendaient sceptiques Boileau et l’évêque de Vence : Sonnets boiteux, acrostiches, mésostiches, en bouts-rimés, retournés, lozengés, serpentins, croix de Saint-André, etc., nus, revêtus, commentés, rapportés. Dans le Sonnet acrostiche, les premiers mots de chaque vers devaient former une phrase à part qu’on lisait perpendiculairement de haut en bas ; dans le mésostiche, la phrase était formée par les derniers mots du premier hémistiche ou par les premiers mots du second. Le sonnet rapporté était tranché en trois ou quatre phrases perpendiculaires.

  1. Histoire du Sonnet, pour servir à l’histoire de la poésie française, par Charles Asselineau. — En tête du Livre des Sonnets publié par Alphonse Lemerre.