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sans cesse que les conditions de la vie sont toujours semblables à elles-mêmes.

N’oublions jamais la légende du géant libyen Antée, qui, en touchant sa mère la Terre, y puisait des forces nouvelles , et reportons-nous encore une fois à l’étymologie du mot Poésie : ποιειν faire, ποίημα ce qui est fait. — Pour qu’une Strophe existe, il faut qu’elle soit faite, c’est-à-dire qu’on ne puisse pas en séparer les parties sans la briser, sans la détruire complètement.

Si une Strophe est combinée de telle façon qu’en la coupant en deux on obtienne deux strophes, dont chacune sera individuellement une strophe complète, elle n’existe pas en tant que strophe.

Telle est celle-ci, que Victor Hugo a souvent et magnifiquement employée :


Non, l’avenir n’est à personne,
Sire ! l’avenir est à Dieu !
À chaque fois que l’heure sonne,
Tout ici-bas nous dit adieu.
L’avenir ! l’avenir ! mystère !
Toutes les choses de la terre,
Gloire, fortune militaire.
Couronne éclatante des rois,
Victoire aux ailes embrasées.
Ambitions réalisées,
Ne sont jamais sur nous posées
Que comme l’oiseau sur les toits !

Victor Hugo. Napoléon II. Les Chants du crépuscule, V.