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parfaitement sûr qu’on est un homme de génie et doué du génie particulier de la métrique, non-seulement on n’a pas besoin d’inventer des rhythmes nouveaux, mais on a le strict devoir de ne pas en inventer. Il en existe un si grand nombre d’excellents que dans toute une vie de poëte on a à peine le temps de les étudier, et on n’a jamais l’occasion de les appliquer tous. Et parmi ceux qui existent vous trouverez toujours celui qui s’applique à ce que vous voulez peindre : à quoi bon par conséquent en inventer de nouveaux ?

Mais, parmi les rhythmes connus, quels sont ceux qui existent en réalité et quels sont ceux qui n’existent pas ? Votre oreille, votre sens musical doivent vous le dire ; mais pas suffisamment, j’en conviens, car chez les plus grands poètes, et notamment (pour prendre tout de suite le taureau par les cornes), chez Victor Hugo, on trouve beaucoup de types de strophe dont l’artiste a tiré un admirable parti, et qui sont cependant, en tant que strophe, combinés d’une manière empirique. Mais hélas ! comment nous retrouver dans ce labyrinthe ? Où est la mort ? où est la vie ? La question est-elle donc insoluble ? Non, dans notre art il n’y a pas de question insoluble, si l’on a l’humilité de cœur et si l’on veut bien se rappeler