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CHAPITRE VI

DE L’APPROPRIATION DES MÈTRES ANCIENS
AUX DIVERS POËMES FRANÇAIS


En commençant ce chapitre, pénétrons-nous à nouveau d’une vérité que j’ai répétée à satiété déjà et que je ne saurais trop répéter encore. Née libre, vivante et harmonieusement organisée comme tous les êtres, la poésie française, à partir du XVIIe siècle, a été non-seulement réduite en esclavage, mais tuée, embaumée et momifiée. Sous prétexte de lui conserver de nobles attitudes, on avait commencé par lui arracher les entrailles, et ce qui restait d’elle avait été serré si étroitement dans des bandelettes implacables qu’elle eût été étouffée certainement, si l’on ne l’avait tout d’abord éventrée et mutilée. Or, nous qui cherchons non pas la mort mais la vie, nous l’étudierons, non pas au moment où elle était morte, mais à l’époque où elle a été vivante et à l’époque où elle est redevenue vivante. Ceci