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men dans sa bouche écumante le frein d’or de la Rime ! Ce que n’a pas fait le géant, nul ne le fera, et nous n’aurons eu qu’une révolution incomplète. Quoi! n’est-ce pas assez d’être monté du vers de Mustapha et Zéangir au vers de La Légende des siècles ? Non, ce n’est pas assez ; le vers français ne se traîne plus dans la boue, mais j’aurais voulu qu’il pût s’élever assez haut dans l’air libre pour ne plus rencontrer ni barrières ni obstacles pour ses ailes. J’aurais voulu que le poëte, délivré de toutes les conventions empiriques, n’eût d’autre maître que son oreille délicate, subtilisée par les plus douces caresses de la Musique. En un mot, j’aurais voulu substituer la Science, rinspiration, la Vie toujours renouvelée et variée à une Loi mécanique et immobile : c’était trop d’ambition sans doute, car une telle révolution ne laissait vivre que le génie, et tuait, supprimait tout le reste.

Dans sa remarquable prosodie, publiée en 1844, M. Wilhem Tenint établit que le vers alexandrin admet douze combinaisons différentes, en partant du vers qui a sa césure après la première syllabe pour arriver au vers qui a sa césure après la onzième syllabe. Cela revient à dire qu’en réalité la césure peut être placée après n’importe quelle syllabe du vers alexandrin. De même il