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régulièrement rasé tous les matins avant sept heures.

Ivre de douleur, déchevelée, noyée de larmes, ses habits détachés et arrachés, poussant des cris et des sanglots, Euphrasie Godevin, ivre d’une abominable douleur, frappe sa tête contre les murailles.

Entre la petite Mignon qui a forcé la consigne.

Mignon ? non pas ; celle-là n’est pas la petite Mignon, celle-là n’est pas Emmeline ! Elle est pâle encore, mais de la pâleur sinistre et effrontée de l’orgie ; dans ses yeux c’étaient des rayons, à présent ce sont des charbons ardents et des flammes sous les cils d’un noir funèbre. Le geste impudent et hardi, le sourire cynique ; c’est encore la jeune fille de treize ans, mais qui a vécu treize ans dans l’Enfer en scandalisant l’Enfer.

Euphrasie se lève en sursaut.

— Pardon, murmure-t-elle d’une voix étouffée, je ne puis pas vous voir, je ne puis voir personne ; et d’un geste violent elle veut renvoyer Emmeline.

— Allons, dit celle-ci, laissons là le mélo, ou nous ne finirons jamais ! Tu as toujours pris la vie au tragique ; tu ne peux pas te figurer que c’est une comédie, comme Mercadet et Les Fourberies de Scapin : mais, parlons bien ! Ton Agénor s’est trompé de nom en signant une lettre de change, et il a oublié de payer la lettre de change, et tu as peur qu’il n’aille là-bas ; il n’ira pas, voilà son papier !

— Hein ! fit Euphrasie stupéfaite jusqu’à l’épouvante, on vous l’a donné ? vous me le rendez !

Et elle couvrait de baisers et de larmes les mains de la petite Mignon.

Emmeline regarda mademoiselle Godevin avec une insolente et profonde pitié.

— Ah ! murmura-t-elle, cette fille-là ne comprendra