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entendu parler sous aucun prétexte. Si je connais un seul des états que font ces gens-là, ne comptez plus sur mon amitié.

M. Tobie ne répliqua pas. Il savait que les ordres de son maître étaient absolus comme ceux du Destin. Il se contenta d’aller relire l’Iliade et Le Mariage de Figaro pour se donner de l’imagination ; car il sentait bien que, cette fois, il fallait vaincre ou mourir.

Mais M. Tobie ne mourut pas. On ne meurt jamais quand on remue à pleines mains l’or, qui contient l’essence de la vie.

À quinze jours de là, une des salles à manger de lord Angel Sidney étincelait de lumière, de fleurs, de cristaux, d’orfèvrerie et de tout ce qui donne aux richesses du luxe leurs enivrantes clartés.

Cette salle à manger, tout entière en bois de noyer, les étoffes en cachemire vert, représentait avec d’ingénieux arrangements de bas-reliefs, de cariatides et de figures en ronde bosse, la guerre des Titans. Les deux immenses cheminées, bien reliées à l’ornementation générale, figuraient les gouffres implacables de l’Etna, et luttaient de flammes ardentes et flamboyantes.

Un magnifique groupe de Géants vaincus et terrassés soutenait le plateau de la table à manger ; de telle façon qu’il y avait pour cent mille francs de sculpture à l’endroit où les Anglais passent habituellement l’après-dînée. Les siéges et les consoles étaient à l’avenant ; et, dans chaque embrasure de croisée, il y avait, enfermé dans d’épais rideaux, le mobilier doré d’un petit salon de conversation.

Du reste, rien ne manquait à la fête, et M. Tobie avait suivi le programme en décorateur consciencieux. Sur les vitres, des potées de fleurs tombées de la palette de