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pendant ce peu de temps-là ! J’aurais voulu t’en laisser davantage, mais c’est impossible. Je donne une grande pièce pour laquelle tu m’es indispensable, et où tu joueras pour la première fois le rôle de jeune fille. Je veux que tu y sois charmante, et ta bonne amie que voilà m’a promis de t’aider de ses conseils. — Tout en rougissant, Minette remercia de son mieux, et madame Paul, qui n’avait plus affaire au théâtre, voulut la reconduire elle-même. Elles sortirent donc sans que Couturier pût adresser un mot à Minette, mais il avait vu l’évanouissement de la jeune fille causé par sa seule présence ; il étouffait de joie et d’orgueil. Il se mit à marcher avec agitation dans le foyer, en passant fiévreusement ses mains dans ses rares cheveux.

— Tiens, lui dit un de ses camarades, qu’as-tu donc, le beau Couturier ! Est-ce que tu médites un crime ?

— Oh ? dit l’amoureux en souriant avec l’adorable fatuité qui avait fait sa gloire, je médite toujours un crime !

Il faisait un beau soleil, quoique l’air fût encore froid ; on était au milieu d’avril. Madame Paul monta dans un fiacre avec Minette, et la conduisit au cimetière. Elle savait, elle, comme il fallait parler à cet enfant pour ne pas heurter les illusions qui la consolaient. Elle fit ce que le prêtre n’avait pas pu faire ; elle fit comprendre à Minette, autant que cela était possible, l’idée de la mort et l’idée de l’âme. Elles étaient arrivées devant la croix de bois qui indiquait la tombe d’Adolphina.

— Ainsi, dit Minette, en répondant à madame Paul et en montrant la terre à ses pieds avec un geste d’effroi, ma mère n’est pas là, n’est-ce pas ?

— Non, dit l’actrice ; mais puisque tu sais maintenant