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pouvoir supporter une émotion ; mais le médecin avait recommandé avec une extrême sévérité de ne lui jamais faire savoir comment sa mère était morte, insistant sur ce point qu’une révélation pareille la tuerait à l’instant. La première fois qu’elle fit sa question habituelle, en demandant où étaient ses parents, la sœur la regarda avec une commisération profonde.

— Hélas, mon enfant, dit-elle, vous ne devez plus les revoir qu’au ciel !

— Au ciel ! murmura Minette. Mais pourquoi ma mère était-elle ainsi étendue contre la fenêtre, les cheveux dénoués ? Pourquoi mon père était-il couché dans la cour au milieu du verglas ? Pourquoi cette foule criait-elle ? Et qui les a conduits au ciel ; pourquoi y sont-ils montés sans moi ?

— Mon enfant, répondit la religieuse stupéfaite, Dieu nous y rappelle quand il lui plaît, et nous ne pouvons que nous soumettre à ses décrets.

— Dieu ! répéta Minette avec étonnement. Puis elle ajouta : Ah ! sans doute quelque mauvais sort les tourmente, mais si je pouvais voir ma chère fée Paul, elle les délivrerait, allez ! et s’ils sont vraiment dans le ciel, elle m’y mènerait avec elle ! Oui, voyez-vous, quand même il faudrait traverser les forêts pleines de démons ! elle étendrait sa baguette, et elle rallumerait la lumière des étoiles ! Et lui, lui, madame, il la défendrait bien contre les enchanteurs ! Et puis, tenez, j’ai un talisman !

Et Minette, écartant sa chemise, montrait l’amulette qu’elle avait au cou. Puis, apercevant le chapelet de sœur Sainte-Thérèse, auquel pendait un crucifix de cuivre.

— Ah ! dit-elle, est-ce aussi un talisman que vous avez là ?