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— Ah ! s’écria-t-elle, où est ma mère ?

Tout le sang qu’elle avait vu le jour du fatal événement passa devant ses yeux, et avant que sœur Sainte-Thérèse eût eu le temps de lui répondre, la fièvre et le délire l’avaient reprise. Elle fut encore pendant quinze jours entre la vie et la mort. Le médecin en chef la soignait avec un zèle extrême, quoiqu’il se fût aperçu dès le premier moment que, si la fièvre pardonnait, la maladie de poitrine ne pardonnerait pas. Enfin le mal céda, et on put enlever la glace que Minette avait sur la tête, jour et nuit. Peu à peu le sentiment lui revint ; mais elle était si pâle qu’elle faisait peine à voir, si faible qu’elle pouvait à peine articuler une parole, et elle toussait sans relâche. On était alors en février, et après l’avoir sauvée de la maladie aiguë, le médecin déclarait qu’en supposant les chances les plus heureuses, Minette ne vivrait plus six mois plus tard. Aussi la bonne sœur qu’elle avait intéressée voyait-elle surtout non pas un corps à sauver, mais une âme. Toutes les paroles échappées au délire de Minette, l’avaient non-seulement étonnée, mais alarmée. En effet, la jeune fille priait les fées de sauver son père et sa mère ; elle se plaignait des sortiléges qui passaient sur eux et qui les rendaient méchants ; elle embrassait son talisman en invoquant Couturier et madame Paul ! Sœur Sainte-Thérèse pensa d’abord que c’étaient là des paroles incohérentes, produites seulement par une folie passagère ; mais en remarquant chez sa petite malade la persistance avec laquelle revenaient les mêmes idées exprimées de la même façon, elle se prit à craindre que Minette n’eût reçu aucune éducation religieuse, et se promit d’amener à Dieu, si elle pouvait, cette pauvre brebis égarée.

Minette approchait assez de son rétablissement pour