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en broussailles qui lui servait de chevelure, elle reconnaissait un suppôt de Satan et de Proserpine, la dame au diadème de paillon rouge, à qui les mythologues du boulevard le mariaient si cavalièrement, sans respect pour les théogonies. Jamais elle ne montait sans tressaillir sur une machine ou dans une gloire dont le maniement était confié à Simon ; et s’il fallait qu’elle passât à côté de lui dans un couloir, elle se reculait toute tremblante et se serrait contre le mur en se faisant si petite qu’on ne la voyait plus. Alors le bonhomme souriait tristement, et Minette tremblait plus fort, croyant voir le sourire d’un bourreau attendri d’avance sur la victime qu’il sera forcé d’égorger.

En revanche Minette avait une adoration pour une belle personne, pleine de douceur, madame Paul, qui jouait les bonnes fées, les princesses vertueuses, et en général tous les rôles sympathiques. Le fait est que c’était une jeune femme bienveillante et aimable, blanche et timide comme une colombe, et peu faite pour vivre au milieu des triomphants Almanzors qui composaient la troupe de la Gaîté. Madame Paul adorait la petite Minette : lorsqu’elle la voyait au foyer, elle la prenait sur ses genoux, l’embrassait, et lui donnait des bonbons qui faisaient moins de plaisir que les baisers à cette enfant toujours privée de caresses. Une fois que Minette regardait avec une convoitise involontaire un petit sachet turc brodé de soie et de paillettes, que madame Paul portait au cou, et qui dans la pièce représentait un talisman, celle-ci le lui donna après le spectacle. Une autre fois, un artiste avait apporté à madame Paul, dans les coulisses, plusieurs exemplaires d’une lithographie coloriée qui la représentait dans un costume de Fée des Eaux. Les dessins lithographiés, d’une invention en-