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le désir inextinguible qui les dévore. J’y voyais sourire les Cidalises et les Florices enamourées, les Dorilas frappées de langueurs mortelles, tout ce troupeau fuyant vers Cythère sur une galère confiée aux flots infidèles !

À vrai dire, je vécus comme en songe jusqu’à l’heure où, repartant pour Paris, je laissai Jodelet installé chez la marquise avec six mille francs d’appointements et un pavillon où M. de Buffon aurait pu écrire en manchettes, le tout à la charge de lire la Gazette de France à la marquise et de causer avec elle du dix-huitième siècle.

Je vous l’avouerai très-naïvement, j’étais fier de mon ouvrage, j’avais résolu un problème qui eût fait reculer d’effroi M. de Humboldt lui-même. Enfin, pour parler comme Flambeau dans une charge devenue célèbre, Jodelet était domestique et il n’était pas domestique ; il était domestique si l’on veut et il ne l’était pas si l’on ne veut pas ; il était peut-être valet pour lui et il ne l’était pas pour les autres !

Ainsi je me berçais dans la gloire de mon triomphe, et considérez, mes amis, à quel point l’amour-propre d’auteur nous égare, tous tant que nous sommes ! Mais je veux laisser parler la marquise, car je n’oublierai jamais avec quelle verve d’indignation cette excellente femme me raconta les nouvelles espiègleries de Jodelet.

— D’abord, me dit-elle, je fis prier votre ami de vouloir bien venir dîner avec moi, il me répondit qu’il mangerait à l’office, comme c’était le devoir de sa condition. Le lendemain, il me demanda quand sa livrée serait prête, et il me supplia de lui donner ma femme de chambre en mariage. Que vous dirai-je ? En votre faveur, mon cher Léon, je m’étais imposé de prendre tout cela pour d’excellentes plaisanteries de chevalier en vacances, bien qu’elles me parussent un peu jeunes, adressées