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les velours, les moires, les joyaux. Elle jette le tout dans la rue et tend à Musette son vieux sayon rapiécé.

Elle va à la cuisine, ôte le rôti de la broche, le jette à la rue, et, dans le plat qui était destiné à le recevoir, elle glisse à sa place la hideuse charcuterie, qu’elle a apportée dans un papier huileux.

Elle jette les émaux, les chandeliers d’argent, les vases craquelés, les coupes de Sèvres, et pose sur la cheminée nue le pot à l’eau ébréché et la chandelle fichée dans une bouteille.

Elle fait signe à de grands diables de commissionnaires, qui viennent emporter les meubles, les tapis, les rideaux, les tentures, et qui, à la place de tout cela, installent le lit de bois blanc peint en acajou, les deux chaises de merisier teint, la malle, la gravure à l’aquatinte, et les deux tasses dorées gagnées au jeu de billard du bal Mabille.

Puis elle sort menaçante et sereine, en laissant derrière elle une odeur de moisissure et des montagnes de papier timbré, tandis que Musette se tord les bras et éclate en sanglots, ou, abrutie par la douleur, s’assied sur la malle et reste immobile comme une idiote.

Alors,

Quand la Misère est vraiment bien entrée chez la courtisane ;

Lorsqu’il n’y a plus de ressource ni de spectre de ressource, ni de vain espoir d’une ressource chimérique ;

Que tout est fini ;

Lorsqu’il n’y a plus ni le protecteur, ni le « monsieur qui vient seulement quelquefois pour causer, » ni l’amant, ni l’ami de l’amant, ni l’amant de l’amie, ni le « jeune homme avec qui l’amant s’est brouillé parce qu’il le soupçonnait à tort de faire la cour à Musette, » ni « l’artiste