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que nymphe thessalienne évoquée par la sorcellerie pour servir de modèle à Benvenuto, et elle aurait cru que le cruel statuaire allait paraître, soulevant une portière de soie, et tenant à la main son marteau qui ressuscite les effrayantes splendeurs des Olympes.

Enfin, toute cette magie se dissipa. Paule de Klérian comprit qu’elle avait devant les yeux une femme d’une beauté surhumaine, mais enfin une femme. Malgré le feu qui brûlait son visage et la sueur qui perlait sur son front, elle trouva la force de parler.

— Madame, dit-elle en s’inclinant légèrement, je croyais trouver ici M. de Lizoles ?

Mais à peine eut-elle laissé échapper ces mots, comme si son cœur eût été de cristal, elle le sentit pénétré par le clair regard de l’inconnue, et elle eut la révélation positive que tout mensonge devait s’émousser contre sa clairvoyance terrible, comme les flèches d’acier sur une statue de diamant.

D’un geste rhythmé comme une musique, Céline Zorès montra un siége à madame de Klérian ; ses lèvres s’ouvrirent, et avant qu’elle eût articulé une syllabe, Paule sentit qu’elle allait entendre une harmonieuse voix aux notes d’or.

— Madame, dit Céline Zorès, je suis heureuse que vous soyez venue, car on assure que la jalousie est un mal cruel, et ce mal, je puis vous en guérir. Vous pouvez sans crainte aimer Flavien.

Madame de Klérian éprouva une angoisse inouïe en entendant cette fille de rien qui lui parlait comme peut parler une reine, et en s’avouant tout bas qu’elle se soumettait malgré elle à un ascendant inexplicable. Ses jolies lèvres se froncèrent ; la révolte éclata dans ses yeux charmants.