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Deuxième Douzaine



13. — ESPINOSA

Mesdames, je continue. Je ne crois pas qu’il faudrait un calculateur à cette place ; cependant, celui qui l’obtient est un danseur, — nommé Espinosa. De petits yeux de feu, un nez violent, fastueux et fou, qui, d’un grand entrechat furieux, s’élance aux étoiles. Dans l’homme, exilé du ciel, quelque chose toujours veut revoler à la patrie : chez le fantoche Espinosa, ce quelque chose est le nez ! Ô nez chevaleresque, chimérique, insolent, avide d’espace ! Ah ! ce n’est pas là un nez bourgeois, vaincu, résigné à la terre, comme le nez colosse d’Hyacinthe ! Non, celui-là, plein de vif-argent, bondit, s’envole, se jette lui-même par-dessus les moulins, et crève l’azur ! Il a la foi : il croit à sa pesanteur, à ses plans inclinés, et tutoie l’orage, comme le ballon de Nadar !