Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serein et superbe, tout est d’une beauté rare. Le nez seul est peut-être un peu, — mais ceci est une nuance, — un tout petit peu, un très petit peu fort ; mais l’éclat des trente-deux dents blanches est irrésistible. Des mains royales. La stature et la poitrine beaucoup trop accomplies pour une comédienne, car la vraie actrice doit être maigre comme un manche à balai, pour représenter un bon mannequin à costumes ! Mais on fait ce qu’on peut.


3. — ALPHONSE DAUDET

Une tête merveilleusement charmante, la peau d’une pâleur chaude et couleur d’ambre, les sourcils droits et soyeux. L’œil, enflammé, noyé, à la fois humide et brillant, perdu dans la rêverie, n’y voit pas, mais est délicieux à voir. La bouche voluptueuse, songeuse, empourprée de sang, la barbe douce et enfantine, l’abondante chevelure brune, l’oreille petite et délicate, concourent à un ensemble fièrement viril, malgré la grâce féminine. Avec ce physique invraisemblable, Alphonse Daudet avait le droit d’être un imbécile ; au lieu de cela, il est le plus délicat et le plus sensitif de nos poètes. Pourquoi n’est-il pas né milliardaire comme Rothschild ? Il ne lui en coûtait pas davantage, pendant qu’il était en train de faire du — paradoxe !