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peau et la cravate jusqu’aux chaussettes de soie et aux souliers, parcourt toutes les gammes symphoniques du violet, et chante sa musique silencieuse avec le plus parfait dandysme.

Quoique très excentrique et singulier, Anatole de Salar est très innocent, ce qui se voit, et il adore Coralie avec un sentimentalisme emprunté aux écoles abolies. Il admire en silence les belles formes étalées sous ses yeux, et tout à coup, avec un long soupir :

— « Chère ! dit-il à son amie, je voudrais — sur votre cou, sur votre front, sur vos bras divins, trouver à baiser une place, si petite qu’elle fût, que nul n’ait touchée ou baisée avant moi ! »

La courtisane se relève, ébouriffée par une si audacieuse prétention. Mais, après tout, comme elle a été étudiante dans le quartier Latin, et comme les problèmes scientifiques ne lui déplaisent pas, elle se décide à admettre la fabuleuse hypothèse, et répond tranquillement, avec une philosophie douce.

— « Au bout du compte, dit-elle, ça se peut bien et je ne jurerais pas que non, car tout existe dans la nature ! »


CXIII. — LA REVANCHE

Accablé par la chaleur de midi, le vieil helléniste Maurial s’est endormi sous un hêtre, et sur sa poitrine