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jusqu’aux yeux et tournant dans ses doigts son petit chapeau, répond à l’illustre magistrat :

— « Dame ! mochieu, je vas vous dire. La demoigelle me l’a demanda ; et alorche, moi, j’ai eu peur de perdre la pratique ! »


LXXII. — LA TOILETTE

C’est le samedi soir, après minuit déjà passé. Depuis le matin, la mère du Diable a travaillé comme un nègre, car c’est ce jour-là qu’elle a son grand tracas de ménagère. Elle a achevé de repasser et de plier son linge, et elle l’a rangé avec de l’iris dans les grandes armoires. Elle a récuré ses broches avec du sable, ses casseroles de cuivre jaune et de rosette avec du tripoli, ses casseroles de fer battu avec du blanc d’Espagne, et ensuite avec l’eau de sa lessive elle a lavé le pavé des salles, qu’elle a essuyé à mesure avec sa grosse éponge. Maintenant, elle s’occupe de son fils le Diable qui, bien qu’il soit fort vieux, lui fait toujours l’effet d’un enfant.

Elle l’a fait asseoir sur un petit escabeau, et elle lui peigne ses rouges cheveux avec un peigne de corail. Habituellement, le Diable subit cette opération avec la plus intime volupté ; mais cette fois, au contraire, il est agité par des tressaillements, et de longs sanglots s’échappent de sa poitrine convulsée. La vieille dame sait bien