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comme, d’un regard impérieux, Edmée semble lui dire :

— « A votre tour, maintenant !

— Non, dit-elle avec un calme orgueil, moi je ne montre pas mes pieds. Voilà ce que montre ! »

Et, détachant son peigne, elle jette, délivre et fait rouler sur son dos une avalanche de lourds, épais et fins cheveux blonds, pleins de flammes extasiées et d’ombres transparentes. Et, comme il y a là, sur une table de laque rouge, le tas d’or d’une quête pour les pauvres, elle prend une pièce d’or, et, comme si elle était de plomb, la ploie en deux avec ses fortes dents, et, triomphalement, elle ajoute :

— « Et ça aussi ! »

La baronne Edmée ne rit plus. Elle rentre honteusement sous sa robe ses tout petits pieds, d’un air penaud regarde l’ennemie avec ses prunelles vertes, et songe à part soi combien il serait doux de pouvoir la hacher menu comme chair à pâté.


LXIV. — LA NOTAIRESSE

Profitant du jour de fête, le notaire, monsieur Pin, est allé à la pêche, et comme il n’y a pas de voleurs dans cette jolie petite ville de Nioul, la servante, en partant pour faire ses commissions, a laissé la porte de la maison entr’ouverte. Si bien qu’arrivant avec la lettre de