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vie errante l’amour de vivre au grand air et le désir de l’espace infini. Mon bon père l’a épousée avec une sincère amitié et l’a rendue heureuse, -

SIMON FOURNIEZ.

Ma pauvre femme !

LOYSE.

Et cependant elle est morte jeune, quoique entourée de soins et d’amour. Elle songeait toujours aux pays bénis où les fruits et les fleurs naissent ensemble dans la lumière. J’ai dans les veines le sang de ma mère : voilà pourquoi, Sire, je ne veux pas épouser un marchand.

SIMON FOURNIEZ.

Princesse !

LE ROI.

Veux-tu un soldat ?

LOYSE.

Non, Sire. Rester à la maison quand mon mari subirait les hasards et les dangers de la bataille ! Ne serait-ce pas endurer lâchement un supplice de toutes les minutes ?

LE ROI.

Ainsi ton cœur ne dit rien ?

NICOLE, au roi

Rien, Sire.

LOYSE, naïvement.

Si fait. Mais ce qu’il me dit est bien confus. (Elle s’approche doucement du Roi et, pensive, appuie sa tête contre la chaire dans laquelle il est assis.) Il me semble que j’aime un homme qui, sans doute, n’existe pas, puisque je le voudrais vaillant comme un capitaine et capable d’une action héroïque, mais doux comme une femme. Et voyez si mes rêveries sont folles ! Quand je songe à cet ami inconnu, je le vois parfois malade et chétif, et ayant besoin de ma protection, comme si j’étais sa mère ! Vous voyez bien que je suis une petite fille, ne sachant pas même ce qu’elle