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Des bières qu’on brassa sans houblon et sans orge
Et qui vous déchirent la gorge,
De tristes eaux-de-vie et de mort, et des rhums
Qui bravent tous les décorums,
Et d’affreux curaçaos troublants, et des absinthes
Faites pour ravir des Esseintes.
Ô frères, avec ces boissons qui vous ont nui,
Vous buvez le féroce ennui,
L’accablement stupide et le dégoût maussade,
Les voluptés à la de Sade.
Sous l’azur, sous le gouffre étoilé du ciel bleu
Éclaboussé d’astres de feu,
Quelque sombre liqueur, au noir Léthé pareille,
Vous hypnotise, et votre oreille,
Stupidement, ainsi qu’un refrain de pantoum,
Entend retentir l’affreux : Boum !
Oh ! nos pères buvaient, avec sa pourpre insigne,
Le sang généreux de la vigne !
Sages, ils remplissaient leurs verres de nos vins
Rouges, réchauffants et divins,
Et caressaient, avec de gais épithalames
Leurs bonnes commères de femmes.
Le Plaisir et la Joie étaient leurs échansons ;
Ils chantaient de belles chansons ;