Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/90

Cette page n’a pas encore été corrigée

De se quitter sitôt que le miel de la coupe
Fut au bout, estimant tous les deux qu’une troupe
De bohèmes en sait là-dessus plus qu’un roi.
Mais s’ils se rencontraient devant le café Foy,
Ou bien s’ils étaient las de leurs plaisirs vulgaires,
Car les gens du commun ne les amusaient guères,
S’ils désiraient un soir sortir de leur milieu,
Si Prosper, en fuyant les tréteaux Richelieu,
Voulait pour se guérir voir un vrai corps de reine,
Alors ils s’en allaient ensemble. L’Hippocrène
Est un mot à côté de cette femme-là :
C’est un fait positif, qu’en ses jours de gala
D’un triste portefaix elle eût fait un poëte,
Par son étreinte morne et ses poses de tête.
  La source court au fleuve, et la fange à l’égout.
Tu dois le remarquer, l’esprit et le bon goût
S’unissent d’ordinaire aux formes les plus pures.
Phoebé le prouve bien. Ni l’or, ni les guipures
Ne cachent son beau cou, mais un camellia
S’embaume à ses cheveux, et, comme Cinthia,
Cette calme Romaine, hélas ! trop tard venue,
"Sa plus belle parure étant de rester nue,
Deux robes seulement forment tous ses atours,
L’une de moire blanche et l’autre de velours."
Tout chez elle est parfait pour l’amour idolâtre.
Pas de livres, d’albums, ni de sculpture en plâtre,
Mais une Danaë peinte par Titien,
Inestimable corps qu’elle a payé du sien,