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Oh ! quelle chose aimée alors semblerait douce ?
Le zéphyr caressant, la lumière, la mousse,
Ou le givre odorant des amandiers fleuris ?
Prosper le blond rêveur n’avait trouvé de prix
À tous ces charmes nus de la jeune Nature
Que lorque à son amie ils servaient de parure.
Tout est décoloré, discordant et fatal
À présent, tout se tait. Le ruisseau de cristal
Murmurait sur ses pieds délicats. Le vieux saule
Penchait de verts rameaux jusqu’à sa blanche épaule.
En voltigeant, la brise apportait dans sa voix
La chanson du vieux pâtre et l’haleine des bois.
Les fleurs ? Ils en avaient effeuillé les corolles
Pour y lire tout bas mille promesses folles.
O souvenirs toujours adorés ! Le soleil ?
Que de fois, éblouis de son éclat vermeil,
Étendus sur la mousse, abrités, seuls au monde,
Ils l’avaient vu mourir dans un baiser de l’onde !
Chaque pas, chaque souffle était un souvenir
De ce bonheur enfui pour ne plus revenir :
Mais au fait, je m’arrête à faire de l’églogue,
Tandis que mon héros emplit son catalogue.
  Puis-je suivre ses pas jusqu’au pays Latin
Et dire ce qu’il dut souffrir un beau matin
Pour demander du calme à la philosophie
Que démontre là-bas quelque brune Sophie ?
Puis-je écrire les noms d’Annette et de Clara,
Cette autre Dolorès ? Rira bien qui rira