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S’élançait dans l’azur vers son Paris grisâtre.
Le feu plein de rubis qui pétille dans l’âtre,
La cigarette amie et le punch vigilant
Qui fait danser au mur un farfadet sanglant,
Notre bon far-niente avec nos causeries,
Nos divagations dans les routes fleuries,
Je voyais tout cela ! Près des riants Lignons
J’égarais de nouveau tous nos chers compagnons
Qui remplissent de vin les verres de Venise,
Et ces pâles enfants que mon vers divinise
Et dont la lèvre, prompte à nous incendier,
À pris sa folle pourpre aux fleurs du grenadier.
  Ce que j’aime de toi, c’est que la poésie
Qui coule sous ta plume et qui me rassasie,
N’exclut aucunement ces détails parfumés
Qui reportent le cœur sur les objets aimés.
Tu rêves donc toujours ! Et Victor ? Il travaille.
Son destin est marqué, vois-tu. Vaille que vaille,
Il ira loin. Alfred aime toujours Jenny ?
Hélas ! si, pitoyable à son rêve infini,
Elle entr’ouvrait le ciel à cet enfant qui souffre,
Il nous rappellerait Décius et le gouffre.
Il est triste pourtant, pour un beau chérubin,
D’avoir vu tant de fois son Ève dans le bain,
De l’avoir aspirée à long regard de faune,
Sans pouvoir défleurir le bout de son gant jaune.
Un jour qu’il ébauchait la Magdeleine en pleurs,
Jenny parut soudain, comme un bouquet de fleurs :