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Cerveau lumineux, cœur où déborde l’amour,
Il doit, leur prodiguant sa pitié tour à tour,
Au milieu des abus toujours prêts à nous mordre,
Conserver et grandir la liberté par l’ordre,
Pour rajeunir sans cesse et pour purifier
L’atmosphère du champ et celle du foyer.
   Triple aspect du foyer, du champ et de la rue,
Ô trilogie énorme avec le temps accrue,
Pour dégager de toi la tranquille clarté,
Il fallait un penseur qui, de tous écarté,
Reçut, seul entre tous, de la muse d’Homère
La royauté, nectar qui fait la coupe amère !
Aussi la Muse eut-elle un regard triomphant
Lorsque, sur le berceau divin de cet enfant,
Elle vit, consolée enfin de son désastre,
La flamme de l’esprit s’allumer comme un astre !
Si bien que cet enfant, ce rêveur radieux,
Calme, indulgent et fort comme les demi-dieux,
Ce grand porte-lumière, élu dès sa naissance,
L’illumina plus tard de sa reconnaissance ;
Et sentant ce jour-là tous les peuples divers
Assez grands pour la voir avec leurs yeux ouverts,
Il la leur montra, belle, ingénue et sans voiles,
Ayant sur ses bras nus la blancheur des étoiles,
Et dans la coupe, où luit l’éclair d’un diamant,
Buvant le vin de pourpre avec son jeune amant !
Le beau printemps vermeil les salue et les fête,
Et, comme un chœur sublime, autour de ce poète