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oiseaux garrulants qui s’envolent troublés,
De gais coquelicots qui dansent dans les blés,
Des lacs aux flots unis où, sans cesse jetée,
La lumière dessine une moire argentée,
Des cieux pleins de blasons qui paradent au loin,
Et de vagues parfums qui s’exhalent du foin !
   Et sur ce beau décor, un chœur immense, un monde :
La verte demoiselle avec l’insecte immonde,
Le corbeau velouté, les bœufs aux larges reins,
Cherchant leurs Brascassats ou leurs Claudes Lorrains !
Chacun marche en sa voie. Au fond de la prairie
La génisse au flanc roux court dans l’herbe fleurie,
Les oiseaux attentifs portent au fond du nid
La mousse dérobée aux angles du granit,
L’insecte fait son trou, la verte demoiselle
Se mire dans le flot scintillant qui ruisselle,
Et dans une clarté l’épi s’ouvre au soleil.
Chacun cherche son but dès le premier réveil :
La fourmi son brin d’herbe, et l’homme sa charrue.
   Et comme aux champs, hélas ! chaque homme dans la rue
Doit labourer l’argile, et dans un tourbillon
Remplir encor sa tâche et creuser son sillon,
Et, sans devancer l’heure où la moisson commence,
Disputer aux oiseaux du ciel, herbe ou semence,
Les grains qui deviendront épis. Tout penseur doit
Désigner le vrai but, et le montrant du doigt,
Protéger tour à tour les peuples qu’on enchaîne,
Et le bon Roi, souvent insulté sous le chêne !