Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/62

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le foyer ! oasis aux souvenirs anciens,
Où dans la solitude on est tout pour les siens,
Sanctuaire où l’on sent comme il est bon de vivre
La tête dans les mains et les yeux dans un livre !
Là tout est doux, charmant, simple et mystérieux :
C’est l’épouse qui suit votre rêve des yeux,
Ce sont les beaux enfants pleins d’avenir, aux lèvres
Rouges comme les fleurs des vases de vieux Sèvres ;
Et la vierge étonnée, en son cœur ingénu,
De voir son front si pur, et si blanc son bras nu ;
Puis c’est un vieil ami qui cause de Tacite,
Qui lit à cœur ouvert dans Virgile qu’il cite,
Et dont les souvenirs, d’âge en âge espacés,
Vous reportent, jeune homme, à vos plaisirs passés.
   Foyer, doux manteau d’ombre ! ô naïve peinture
Flamande, que chacun refera ! la nature
A-t-elle plus que toi d’harmonie et de chants ?
Qui pourrait t’égaler, sinon l’air et les champs ?
Car les champs sont aussi le grand poème, et comme
Un livre écrit par Dieu pour l’extase de l’homme.
C’est là que chaque lèvre, allant chercher son miel,
Boit, abeille, les fleurs, et, poète, le ciel !
C’est là qu’un doux zéphyr fait frissonner la lyre,
Et que le mot s’écrit pour ceux qui savent lire ;
Ce sont des ruisseaux d’or, de larges horizons,
Des fruits divers donnés à toutes les saisons,
Des cascades, des fleurs, de grandes voûtes d’arbres,
Des cailloux anguleux plus brillants que des marbres,
Des