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Et le cœur si naïf qu’en ce calice ouvert
Le zéphyr qui murmure au sein de l’arbre vert
Apporte des serments pleins d’une douce joie !
C’est lui ! c’est Roméo ! Sur son pourpoint de soie
La nuit pâle et jalouse a répandu ses pleurs :
Il a sur son chemin écrasé mille fleurs,
Il a par des endroits hérissés, impossibles,
Franchi facilement des murs inaccessibles ;
Il lui faudra braver, pour sortir du palais,
Mille cris, les poignards de tous les Capulets !
Qu’importe à Roméo ? c’est pour voir Juliette !
Juliette sa sœur, pauvre amante inquiète
Qui dans cette heure douce où Phoebé resplendit,
Le rappelle cent fois et n’a jamais tout dit ;
Et qui, trop pauvre alors, pour pouvoir encor rendre
Son cœur à Roméo, l’aurait voulu reprendre !
   Oh ! lorsque tes cheveux aux magiques reflets
Inondent ton beau cou, fille des Capulets !
Quand on a vu pendant cette nuit enchantée
Rayonner ton front blanc sous la lune argentée !
Et toi, qu’à ton destin le ciel abandonna,
Toi qui nous fais pleurer, belle Desdemona,
Toi qui ne croyais pas, pauvre ange aux blanches ailes,
Qu’on pût voir parmi nous des amours infidèles,
Desdemona candide, ange qui va mourir,
Quand on a dans son cœur entendu ton soupir
Et ce que tu chantais en attendant le More :
La pauvre âme qui pleure au pied du sycomore !