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Comme tous ces maris, bouffons dont vous riez,
Sont bien aux yeux de tous triplement mariés !
Et comme ce marquis, bel ourdisseur de trames,
Qui leur vole à plaisir leurs filles et leurs femmes,
Est un charmant vaurien dont un regard séduit
Magiquement, la jeune Agnès dans son réduit !
Il s’appelle Damis, Horace ou bien Valère ;
Il est tendre et charmant jusque dans sa colère ;
Il est fait comme un dieu, rose comme un enfant,
S’avance avec un air superbe et triomphant,
Et passe, d’une main la plus blanche du monde,
Son peigne dentelé dans sa perruque blonde.
Aussi les fleurs de cour, aux yeux extravagants,
Laissent-elles tomber leurs cœurs avec leurs gants
Devant ce dédaigneux, qui se baisse à grand’peine
Pour ramasser à terre une âme toute pleine !
Et c’est justice, au fait, car ses rubans sont lourds
Et parent follement son habit de velours ;
Ses canons précieux sont du plus grand volume,
Et son chapeau lissé disparaît sous la plume.
De plus, il sait jeter son or à pleines mains,
Et d’un large mépris couvre tous les humains.
Après tout, les Orgons et les pères Gérontes
Ont le tort d’être laids comme l’ogre des contes,
De garder leurs écus comme des Harpagons,
D’être vêtus de noir et de sortir des gonds,
Au lieu de chantonner ces paroles magiques
Dont rêvent les Agnès comme les Angéliques.