Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/47

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et qui, sur notre ennui, du haut de leur ciel pur,
Jettent de longs regards d’incendie et d’azur.
   Oh ! le bon sens joyeux et brutal de Molière !
Ce dilemme subtil, acharné comme un lierre,
Cette franche tirade ou bien ces mots si courts,
Étincelles d’esprit qui charmèrent les cours,
Oh ! qui nous les rendra ? Quand donc, pleins de querelles,
Reverrons-nous gonfler ces charmants Sganarelles
Dont l’honneur outragé crève comme un ballon ?
Quand roucoulerez-vous, ô reines de salon !
Ces madrigaux ouvrés et ces fadaises tendres
Qu’improvisaient pour vous de précieux Clitandres ?
Quand donc les Vadius avec leurs Trissotins
Viendront-ils débiter leurs supplices latins
Aux tout petits pieds blancs de nos Muses, dont mainte
Laisse derrière soi Bélise et Philaminte !
Hélas ! chaque Henriette aujourd’hui sait le grec !
Et toi, qui regardais les bavards d’un il sec,
Alceste soucieux, Céladon misanthrope,
Qui vers ton cher soleil, comme l’héliotrope,
Tournes tes yeux ardents, reviendras-tu des bois
Pour gourmander un peu notre monde aux abois !
Ces Jourdains lamés d’or et ces Josses orfèvres,
Comme ils nous manquent tous avec leur rire aux lèvres !
Comment nous laissent-ils, ces amis ? et comment
Nous sommes-nous passés de ce troupeau charmant ?
   Oh ! comme ils savent tous des façons bien apprises !
Comme ils mènent à bout leurs folles entreprises !