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Si, las de cette mer où tout poète but,
Le père des héros n’eût vers un autre but
Tourné sa poésie enivrante et pressée,
Et gardé quelque amour à sa sœur l’Odyssée,
Rêverie à plis d’or, chant limpide et vainqueur,
Dont chaque note éveille un écho dans le cœur !
   Oh ! que de passions et de saintes idées
Y dorment gravement, hautes de cent coudées !
Que de drames en germe étalés sous les fleurs !
Avec quel charme on suit du sourire ou des pleurs
Ce héros qui, jouet du courroux de Neptune,
Portant de tous côtés son étrange fortune,
Va parmi les flots verts, destructeur des cités,
Braver le dur cyclope et ses atrocités,
Suivre des yeux Pallas, guerrière vengeresse,
Dormir près de Circé la brune enchanteresse,
Et s’asseoir en haillons au grand festin des rois,
Ces fils de Jupiter, dont l’éclatante voix
De leur noble origine était comme une preuve,
Et dont l’enfant lavait ses robes dans le fleuve !
Comme on prête l’oreille au chant simple et divin
Qui jaillit au repas d’une coupe de vin,
Et peint avec amour ces beautés extatiques
Rayonnant au sommet sur les ombres antiques,
Ou qui, nous démasquant les recoins de l’autel,
Fait éclater les Dieux de leur rire immortel,
Devant le filet d’or à la maille serrée
Où Vulcain près de Mars enferme Cythérée !