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Groupèrent leurs rameaux près du sapin sans nœuds
Et du hêtre, étonnés de trouver auprès d’eux
Le saule et le lotus amants des blondes rives ;
Puis le myrte léger, le buis aux teintes vives
Qui bravent tous les deux le souffle des hivers,
Et, le figuier poreux qui s’orne de fruits verts,
Et le mûrier portant sa récolte sanglante,
Et le prix immortel d’une victoire lente,
La palme. Vous aussi vous vîntes, enlaçant
L’ormeau, lierre aux cent mains, la vigne en l’embrassant !
Et près de vous le pin, dont la tête se mêle
Aux blancheurs de la nue, arbre aimé de Cybèle
Depuis que son écorce emprisonna la chair
Du bel Attis, et prit l’enfant qui lui fut cher ;
Enfin, suivant aussi le charme qui le guide,
Le cyprès, des forêts mouvante pyramide,
Arbre aujourd’hui, jadis ami du dieu changeant
Dont la cithare est d’or et dont l’arc est d’argent.
   Et dès que sous ce dôme ombragé le poète
Eut doré de ses chants la paisible retraite
Et que l’archet frémit, tout l’univers créé
Vint rafraîchir sa lèvre à ce torrent sacré ;
Le lion, dont les yeux lancent la mort, cet hôte
De la caverne sombre et de la forêt haute,
Cessa pour un moment de répandre l’effroi,
Le tigre dépouilla ses colères de roi,
Et se laissa bercer dans un tendre vertige ;
Bien plus, en ce moment, ineffable prodige !