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Car il était de ceux pour qui la vie est douce
         Et sur qui cette mer
Qu’un ouragan sur nous incessamment repousse,
         N’a rien laissé d’amer.

Eh bien ! en regardant ceux qui vivent ou meurent,
         Ces destins répartis,
Dieu sait ceux qu’il faut plaindre, ou bien ceux qui demeurent
         Ou ceux qui sont partis !

Car tandis qu’ici-bas des mains impérieuses
         Bâillonnent tous nos chants,
Et qu’il nous faut lutter contre les voix rieuses
         Et les hommes méchants ;

Quand nous cueillons la fleur ou l’amante profane
         Avec un doux serment,
Et lorsque sur nos cœurs la fleur rose se fane
         Et que la lèvre ment ;

Quand versant les trésors dont notre âme est si pleine,
         Dans le riant matin
Nous marchons, à travers une sinistre plaine,
         Vers le but si lointain,

Lui que nous croyons voir, ô folle rêverie !
         D’un œil épouvanté,
Goûte suavement sans que rien le varie,
         Le repos si vanté.