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Sentir l’Ode au grand vol qui passe
En ouvrant ses ailes sans bruit,
Mais ne lui parler qu’à voix basse
Dans le silence et dans la nuit ;

Rappeler sa pensée errante
Dans les pourpres de l’horizon ;
Être cette fleur odorante
Qui se cache dans le gazon ;

Telle est votre gloire secrète,
Esprit de flammes étoilé,
Dont l’inspiration discrète
Fait tressaillir un luth voilé !

Ah ! que la grande poëtesse,
Devant les vastes flots déserts
Maudissant la bonne Déesse,
Jette sa plainte dans les airs !

Que la douloureuse Valmore,
En arrachant l’herbe et les fleurs,
Montre à l’insoucieuse aurore
Ses beaux yeux brûlés par les pleurs !

Mais celle qui pourrait comme elles
Suivre le grand aigle irrité,
Et qui domptant ses maux rebelles
Se résigne à l’obscurité,