Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée


Pourquoi partout le mal vient-il donc à son tour ?
         Près du berceau la tombe,
Le bourbier près du flot de cristal, le vautour
         Auprès de la colombe ?

Pourquoi l’abîme creux sous le gazon des champs,
         Dont nos âmes sont aises ?
Pourquoi sous les beaux yeux et les limpides chants
Tant de choses mauvaises ?

C’est peut-être que Dieu, qui met le diamant
         Dans une pierre close
Et le serpent sous l’herbe, a placé son aimant
         Au fond de chaque chose.

Et, comme en chaque rêve adorable ou fatal,
         En tout ce qui respire,
C’est toujours sous le bien que se cache le mal,
         Et le beau sous le pire ;

Où l’un trouve à plaisir des monstres effrayés
         Et des replis sans nombre,
L’autre voit des gazons et des chemins frayés,
         Pleins d’harmonie et d’ombre.

Ainsi, quand des méchants contre le feu vainqueur
         La colère s’édente,
Nous autres, nous savons au fond de notre cœur
         Garder la lampe ardente.