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Notre mère enchantait notre calme sommeil,
         Et comme elle, sans trêve,
Quand la foule s’endort dans un espoir vermeil,
         Nous enchantons son rêve.

Notre mère berçait d’un refrain triomphant
         Notre âme alors si belle,
Et nous, c’est pour bercer l’homme toujours enfant
         Que nous chantons comme elle.

Tout poète, ébloui par le but solennel
         Pour lequel il conspire,
Est brûlé d’un amour céleste et maternel
         Pour tout ce qui respire.

Et ce martyr, qui porte une blessure au flanc
         Et qui n’a pas de haines,
Doit cette extase immense à celle dont le sang
         Ruisselle dans ses veines.

Ô toi dont les baisers, sublime et pur lien !
         À défaut de génie
M’ont donné le désir ineffable du bien,
         Ma mère, sois bénie.

Et, puisque celle enfin qui l’a reçu des cieux
         Et qui n’est jamais lasse,
Sait encore se faire un joyau précieux
         D’un pauvre enfant sans grâce.