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Et penche sur les fronts plus d’un front endormi
Que des mots bégayés font rougir à demi !
Puis la valse emportant dans son rhythme, pensive
Comme un myosotis incliné sur la rive,
Une vierge aux yeux bleus, et dont l’accent vainqueur
La met si près de nous qu’on sent battre son cœur,
Et que, dans cette fièvre ardente et souveraine,
L’enfant, sans rien comprendre au charme qui l’entraîne,
Parmi le chœur immense, a l’air, en se penchant,
D’un ange fasciné par le démon du chant !
Comme dans la clarté les femmes étaient belles !
Celles-ci laissant voir, sous leurs cheveux rebelles,
Des rayons éblouis qui baisaient leurs fronts blancs ;
D’autres, les yeux voilés, comme des lys tremblants
Qui par un soir d’été pleurent sous la rafale,
Baissant leur cou soyeux veiné de tons d’opale ;
Toutes ivres d’amour, et pour l’œil enchanté,
Surpassant l’hyperbole et l’idéalité !
Et je noyais mes yeux dans ces cheveux en tresses,
Et je jetais mon âme à ces enchanteresses
Si pâles qu’on eût dit ces essaims de Willis
Qui sortent en dansant des corolles de lys !
Mais tout changea bientôt et je n’en vis plus qu’une :
De même, quand Phœbé sur le char de la lune
Apparaît dans les cieux de saphir et d’azur,
Tout se voile et s’efface, et son front seul est pur.
Celle que j’entrevis en oubliant les autres,
Madame, avait des yeux brillants comme les vôtres,