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Ou le doute fatal qui réveillait Byron,
Comme un cheval fouetté par le vent du clairon !
Devant nous ont passé quelques sombres génies
Qui vous jetaient aux vents, farouches harmonies
Dont nous psalmodions une note au hasard !
Tout fiers d’avoir produit un pastiche bâtard,
D’avoir éparpillé quelques syllabes fortes,
Fous, ivres, éperdus, nous assiégeons les portes
Des Panthéons bâtis pour la postérité !
C’est un aveuglement risible en vérité !
Quand nous aurons longtemps sur les livres antiques
Interrogé le sens des choses prophétiques,
Lu sur les marbres saints d’Égine et de Paros
Le sort des Dieux, jouet mystérieux d’Éros ;
Dans le livre du monde, à la page où nous sommes,
Quand nous épellerons le noir secret des hommes ;
Quand nous aurons usé sans relâche nos fronts
Sous l’étude, et non pas sous de justes affronts,
Ô lutteurs, nous pourrons de notre voix profonde
Dire au monde : C’est nous, et remuer le monde.
Mais jusque-là, sans trêve, aux Zoïles méchants
Voilant avec amour l’ébauche de nos chants,
Étreignons la nature, et mesurons sans crainte
Ce bas-relief géant dont nous prenons l’empreinte !