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Ce seigneur l’aima fort trois jours. Mais sa maîtresse,
Femme blonde aux yeux noirs, qui le tenait en laisse,
Choya de préférence un horrible épagneul.
Si bien qu’en un collège hostile à sa paresse,
Par un beau soir d’été, César se trouva seul
Comme un chevalier mort dans son rude linceul.

Dans ces groupes d’enfants, compagnons de servage,
Qui l’entouraient, cherchant son âme dans ses yeux,
César ne se dit rien, sinon que sous les cieux
Rien ne vaudrait pour lui sa liberté sauvage,
Sa course vagabonde aux sables du rivage
Et les enivrements de son cœur soucieux.

Quoiqu’il fût ennemi de toute amitié fausse,
Un d’entre eux, fin matois qu’on nommait Annibal,
Par instants lui fit croire à ces rêves qu’exauce
L’être à qui le soleil fait un manteau royal.
Donc, voilà son ami qui le baisse et le hausse
Comme un polichinelle au bout d’un fil d’archal.

Plus tard il pend sa vie aux lèvres d’une femme
Vénitienne, horrible et charmant amalgame
De feux voluptueux dans un cœur endormi ;
Et lorsque enfin Thisbé l’appelait : son Pyrame,
Il trouve un soir la belle ivre, et nue à demi,
Qui rêve son remords aux bras de son ami.