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Et, près des cygnes purs, dans leurs ébats joyeux,
Nageront, se plaisant à réjouir tes yeux.
  Là, comme les grands Dieux, dans nos chastes délires
Nous savons marier nos voix aux voix des lyres,
Ou verser le nectar dans les vases dorés ;
Et l’onde, en se jouant près de nos bras nacrés,
Songe encore aux blancheurs de l’Anadyomène.
Oh ! désarme pour moi ta froideur inhumaine ;
Viens ! si tu ne veux pas que sous ces arbrisseaux
Mes yeux voilés de pleurs se changent en ruisseaux
Ou que tordant mes bras divins, comme Aréthuse,
Je meure, en exhalant une plainte confuse.
Mais, hélas ! l’écho seul répond à mes accords ;
Le soleil rougissant a desséché mon corps
Depuis que je t’attends de tes lointaines courses,
Et mes yeux étoilés pleurent comme deux sources.
  Ainsi Clymène, offerte au courroux de Vénus,
Disait sa plainte amère ; et les sœurs de Cycnus
Pleuraient des larmes d’ambre, et les gouffres du fleuve
Pleuraient, et la fleur vierge, et la colombe veuve,
Et la jeune Dryade en tordant ses rameaux,
Pleuraient et gémissaient avec d’étranges mots.
Et lorsque vint la nuit ramener sa grande ombre,
Où scintille Phœbé, sœur des astres sans nombre,
Au sein des flots troublés et grossis de ses pleurs,
Triste, elle disparut en arrachant des fleurs.


Juillet 1842.