Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/160

Cette page n’a pas encore été corrigée

Égarent le pilote au milieu des roseaux.
Hélas ! j’ai bien souvent, sur l’azur de ces eaux,
Avec mes jeunes sœurs, Nymphes aux belles joues,
Folâtré près de toi dans l’onde où tu te joues,
Et pour ton fleuve bleu quitté nos océans !
  Bien souvent, pour te voir, j’ai sur les monts géants
Porté le long carquois des jeunes chasseresses,
Et, livrant aux zéphyrs tous mes cheveux en tresses,
Comme font les enfants de l’antique Ilion,
Jeté sur mon épaule une peau de lion.
Bien souvent, nue, en chœur j’ai conduit sous ces arbres
Les Nymphes du vallon aux poitrines de marbres ;
Mais sous les flots d’azur, aux grands bois, dans les champs,
Jamais tu n’es venu pour écouter mes chants.
Et cependant, ainsi que les nymphes des plaines,
J’avais pour toi des lys dans mes corbeilles pleines ;
Mais tu les refusais, et la seule Phyllis
Peut jeter devant toi ses chansons et ses lys.
Quand je t’ai tout offert, tu gardais tout pour elle.
Et pourtant de nous deux quelle était la plus belle !
Souvent dans nos palais j’ai vu le flot, moins prompt,
Frémir joyeusement de réfléchir mon front ;
Sur un sein éclatant mon cou veiné s’incline,
Un sang pur a pourpré ma lèvre coralline,
Le ciel rit dans mes yeux, et les divins amants
Autrefois m’appelaient Clymène aux pieds charmants.
Ami ! viens avec moi. Nos sœurs les Néréides
T’ouvriront sur mes pas leurs demeures splendides,