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         Sur ton beau ventre d’ivoire
         S’éparpille une ombre noire,
         Et tu marches dans ta gloire,
         Superbe comme une tour.

         Ô Déesse protectrice !
         Heureux, ô sage nourrice,
         L’athlète aux muscles ardents
         Qui tout couvert de blessures,
         D’écume et de meurtrissures,
         Appelle encor les morsures
         De ta lèvre et de tes dents !

         Toi seule, ô bonne Déesse,
         As l’incurable tristesse
         De l’étoile et de la fleur
         Sous l’or touffu qui te baigne ;
         Et ton désespoir m’enseigne
         Sur ton flanc glacé qui saigne
         L’extase de la douleur.

         Honte au cœur timide ! Il trouve
         Sous ta figure, la louve
         Qu’il nomme Réalité.
         Mais à celui qui t’adore
         Ta main, où tout flot se dore,
         Verse, ô fille de Pandore,
         Un vin d’immortalité !