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Aux uns le doux Aï, roulant dans ses glaçons
Tout l’or de la lumière et ses vivants frissons.

Aux autres, tourmenté comme dans une cuve,
Le breuvage divin que dore le Vésuve.

Pour les flacons d’argent façonné, l’hypocras
Et les flots pleins d’éclairs de l’immortel Schiraz.

Et je voyais s’emplir et se vider les coupes
Qu’ornaient des monstres d’or et des Grâces en groupes.

Mais ces trésors ardents, ces luxes enviés,
Tous n’étaient rien encore auprès des conviés.

Car ils étaient plus grands à voir pour des yeux d’homme
Qu’un sénat solennel des empereurs de Rome,

Ou que les saints élus dont la phalange va
Jusqu’au zénith du ciel, en criant : Jéhova !

Autour de cette table où les splendeurs sans nombre
N’avaient plus rien laissé pour la tristesse ou l’ombre,

Froids, divins, et leurs fronts couronnés de lotus,
Buvaient tous les don Juans et toutes les Vénus.